PrediSurge, un jumeau numérique pour rendre les endoprothèses et les interventions vasculaires plus sûres
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Née en 2017 à St Etienne, la start-up PrediSurge s’apprête à s’implanter aux Etats-Unis après avoir déjà convaincu plusieurs acteurs de la santé américains et européens de l’intérêt de son jumeau numérique. Une technologie qui permet de s’adapter le plus possible au patient pour prévenir de potentielles complications chirurgicales et réduire le nombre d’échecs thérapeutiques.
En France, environ 6.000 personnes sont victimes chaque année d’une rupture d’anévrisme. Pourtant, il est possible de prévenir les complications liées à l’anévrisme de l’aorte via la pose chirurgicale d’endoprothèses. C’est précisément ce type d’interventions que PrediSurge veut rendre plus sûres, et ce, avant même qu’elles n’aient lieu. Comment ? Via un système de jumeau numérique « patient-spécifique » qui permet à la fois de concevoir de meilleurs dispositifs médicaux et d'anticiper les complications liées à l'implantation de ces dispositifs, en amont des interventions chirurgicales.
Rendre les interventions chirurgicales plus prévisibles
Au départ de PrediSurge, il y a comme souvent une rencontre : celle, en 2007, du professeur Jean Noël Albertini, l’un des pionniers de la chirurgie endovasculaire en France au CHU de St Etienne et de Stéphane Avril, directeur du Centre Ingénierie et Santé de l’Ecole des Mines de Saint Etienne et spécialiste en biomécanique. Ensemble, ils ont travaillé pendant 10 ans dans le cadre d’un projet de recherche sur la simulation numérique des interventions endovasculaires. Rejoints par David Perrin, ingénieur des Mines, PrediSurge voit alors le jour avec ce projet alliant médecine et ingénierie : un logiciel de simulation numérique pour rendre les opérations cardiovasculaires « plus sûres et plus efficientes », d’après les mots de Bruno Virieux, directeur général de la compagnie depuis fin 2022.
Pour ce faire, cette plateforme de jumeaux numériques nommée « PlanOp », et ses déclinaisons, procèdent sur deux volets complémentaires. En amont, elle s’adresse aux fabricants de dispositifs médicaux afin de les aider à concevoir de meilleurs produits, et en aval, elle offre aux soignants les outils pour assurer un « geste optimum ».
Affiner la conception de prothèses
Tout d’abord, l’aide aux fabricants dans la conception des dispositifs médicaux porte actuellement sur les endoprothèses utilisées pour le traitement des anévrismes de l’aorte.
Avec le jumeau numérique de PrediSurge, les fabricants peuvent s’appuyer sur une base de données de milliers de patients virtuels, pour tester in silico, un grand nombre de designs, de configurations, et donc, de nouveaux produits. Avec à la clé, la possibilité non pas de créer une endoprothèse sur-mesure spécifique à chaque patient, mais plutôt « de faire que des modèles standards correspondent à une variété maximale d’anatomies ». « L’intérêt, c’est d’abord de passer directement au modèle humain virtuel », ajoute Bruno Virieux, sans test sur les animaux ni sur l’homme, tout en ayant « la capacité de proposer un plan expérimental extrêmement varié».
Une innovation bienvenue puisqu’auparavant, les fabricants développaient leurs endoprothèses “à l’ancienne”: ils assemblaient une prothèse en tissu biocompatible avec une armature métallique (les “stents”) et, une fois le prototype obtenu, réalisaient des tests in-vitro (banc d’essai), puis des tests in vivo, dans un premier temps sur des animaux, puis sur des patients, au travers d’études cliniques longues et coûteuses.
Pour un geste opératoire plus sûr
Une fois l’endoprothèse conçue et commercialisée, intervient alors le deuxième cas d’application de la technologie de jumeau numérique de PrediSurge. Il s’agit d’accompagner l’équipe soignante dans l’évaluation du risque de complications en amont de l’opération. « Jusqu’à présent, la qualité d’une intervention était très liée à l’expérience du médecin et à son jugement parfois subjectif. Avec l’analyse numérique systématique, nous apportons davantage d’éléments objectifs pour aider le médecin dans sa décision. », assure Bruno Virieux.
Cela passe, dans un premier temps, par la récupération des images préopératoires réalisées sur le patient ; « c’est-à-dire que l’on n’impose pas un nouvel examen », précise Bruno Virieux, et par la récupération du modèle de leur endoprothèse. « Nous allons donc avoir deux jumeaux numériques : celui du patient, et celui de l’endoprothèse. Notre technologie va fusionner les deux pour en connaître l’adéquation, et ainsi mieux évaluer le risque de complications post-opératoires ». Ces complications peuvent être graves, comme la rupture de l’anévrysme ou l’interruption du flux sanguin dans la jambe.
Les simulations menées par les jumeaux numériques de PlanOp sont rendues sous 48 à 72 heures aux médecins . « Les renseignements fournis par la simulation aident le médecin à choisir la meilleure stratégie opératoire ainsi que l’endoprothèse la plus adaptée au patient qu’il va opérer. Cela va permettre d’éviter davantage de complications post-opératoires. » En deux ans, 600 patients ont déjà été bénéficié de cette solution. A terme, PrediSurge pourrait réaliser des simulations en temps réel, afin d’assister les chirurgiens pendant l’opération.
Une porte ouverte sur de futures innovations
Car les déclinaisons futures de cette technologie ne manquent pas et attirent, entre autres, l’attention des fabricants de robots chirurgicaux. « Nous serions en effet capable de dire au robot ce qu’il doit faire pour opérer de manière optimale » explique Bruno Virieux. Ce dernier anticipe également que « viendra un moment où les fabricants construiront des endoprothèses sur-mesure, personnalisées, très certainement imprimées en 3D. A ce moment-là, notre jumeau numérique sera encore plus pertinent puisqu’il pourra fournir en le plan 3D de l’endoprothèse. »
Pour Bruno Virieux, ces avancées technologiques où les algorithmes viennent à l’appui de la médecine conventionnelle sont une évolution naturelle. « Le fait que les jumeaux numériques et la numérisation au sens large ne soient pas plus intégrés dans le monde de la médecine relevait quasiment d’une anomalie sectorielle. »
Une technologie stratégique pour l’Union Européenne
La start-up se félicite en outre de doubler chaque année son chiffre d’affaires depuis la commercialisation, il y a deux ans, de PlanOp pour les endoprothèses fenêtrées, prothèses sur mesure employées pour prévenir les ruptures d’anévrisme. Un marché incontournable pour la start-up, tant par le nombre de patients concernés, dont le pronostic vital peut être engagé, que par l’absence de traitement alternatif à la chirurgie. Il est donc crucial, d’un point de vue humain et financier, de réduire le risque d’échec thérapeutique.
Cela explique en partie que l’Union européenne se soit intéressée à PrediSurge. « Nous avons été lauréat du programme EIC Accelerator en 2022. Cela veut dire que la Banque européenne d’investissement (BEI) rentre aussi désormais dans notre capital, tout simplement parce que nous avons une technologie que l’Europe considère comme stratégique. » La start-up a en outre obtenu cette année le marquage CE, « Saint-Graal » pour la commercialisation de ses produits au sein de l’UE.
Aux côtés de la BEI, on retrouve parmi les actionnaires principaux de PrediSurge l’Italien LIFTT, les fonds d’investissements SV Capital et UI Investissement, ainsi que le Crédit Agricole. Après un financement d’1,5 million d’euros en 2020, la start-up vient de conclure sa deuxième levée de fonds en septembre 2023, pour un montant de 6,5 millions d’euros.
Une filiale de PrediSurge aux Etats-Unis en 2024
A l’heure actuelle, PrediSurge réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’export, principalement outre-Atlantique. Les Américains Medtronic, Stryker, Abbott, ou encore le Japonais Terumo Aortic figurent parmi les clients de la start-up française. Pour autant, les patients français ont accès à l’ensemble des traitements, puisque ces sociétés commercialisent leurs dispositifs dans le monde entier.
Basée à Saint-Etienne, la start-up compte actuellement 20 employés, parmi lesquels 30 % d’effectifs venant de l’international. D’ici 2024, l’équipe devrait s’agrandir à 30 personnes et surtout, marquer l’implantation de la société aux Etats-Unis avec la création d’une filiale outre-Atlantique.
Car les projets sur lesquels s’est lancé PrediSurge sont nombreux. Outre la déclinaison de la solution PlanOp aux nombreux autres territoires vasculaires (entre autres les artères périphériques et le neurovasculaire), PrediSurge possède deux programmes de recherche sur le cœur et l’aide à la navigation opératoire. Cette dernière application permet de modéliser l’impact de l’introduction des outils chirurgicaux sur la géométrie des artères.
Enfin, PrediSurge a déjà commencé des projets collaboratifs avec des fabricants français en vue de l’utilisation future des ordinateurs quantiques. L’utilisation de ces ordinateurs capables de réduire le temps de calcul de plusieurs heures à seulement quelques secondes, permettrait une assistance du chirurgien en temps réel au cours de la l’intervention.
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