Handddle fait passer l’industrie manufacturière au 4.0 avec la puissance de l’IA

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Présents à l’édition 2024 de VivaTech, nommés par Forbes en 2023 parmi les « 30 under 30 » qui « créent les produits, méthodes et matériaux de demain », Handddle est une jeune start-up bordelaise qui entend profiter des technologies d’intelligence artificielle pour rendre l’industrie manufacturière plus efficace, plus fiable, moins polluante et moins coûteuse.

Si l’essor de l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus évident dans nos vies quotidiennes, le monde de l’industrie vit, lui-aussi, cette transformation : de l’automatisation des chaînes de production, aux contrôles des processus et à l’analyse des données, l’IA prend une place grandissante sur les lignes de production. Handddle, jeune société fondée en 2020, l’a bien compris et ambitionne grâce à ces technologies de « placer des yeux dans l’usine » pour simplifier et automatiser les process.

Smartfarm, la micro-usine d’impression 3D

Handddle, c’est d’abord une histoire d’impression 3D, comme l’indique les trois « d » de son nom. Pierre Marigo et Thomas Bourgoin se croisent sur un projet étudiant à l’INSA de Toulouse. Avec Dylan Taleb, ami d’enfance de Thomas Bourgoin, ils décident peu après de s’intéresser à l’écosystème de l’impression 3D en créant Handddle : « On s’est demandé comment améliorer la production, via ces imprimantes, sans toucher aux imprimantes elles-mêmes », raconte Pierre Marigo, CTO de Handddle. L’idée : réduire les perturbations auxquelles sont soumises les imprimantes pour optimiser leurs performances.

De là est née Smartfarm, sorte « d’armoire connectée » dans laquelle sont placées des imprimantes format bureau et qui contrôle tout ce qu’il se passe dans cet environnement : pression, stabilité, luminosité, … « On a des capteurs de température, d’humidité, de pollution, de courant, etc. installés à différents endroits, qui nous permettent de relever et d’enregistrer ces données », explique Pierre Marigo. « Si le résultat (de l’impression, ndlr) n’est pas celui attendu, on est capable d’expliquer pourquoi, de dire que telle et telle conditions n’ont pas été respectée, que la pièce est susceptible d’être altérée visuellement ou que ses propriétés mécaniques sont susceptibles de ne pas respecter ce qui était prévu. »

En contrôlant et en traçant ces différents facteurs qui peuvent affecter l’impression, Handddle est en mesure de réduire le nombre d’impressions ratées, de réduire de 50 % les coûts de déploiement et in fine d’améliorer la fiabilité du produit. Selon Handddle, Smartfarm permet aussi un gain de temps d’ingénierie de 30 %. « La pollution de l’impression 3D et la toxicité des plastiques rejetés est aussi une donnée très importante, c’est donc quelque chose que l’on contrôle », ajoute Pierre Marigo.

Line, des algorithmes pour analyser la production

Si Smartfarm présente l’avantage d’être une « technologie agnostique » et d’être ainsi compatible avec tout type d’imprimante desktop, Handddle s’est vite rendu compte de l’intérêt que représente sa technologie pour l’ensemble de l’industrie manufacturière.  « On s’est aperçu que l’on avait une forte valeur ajoutée sur la donnée récoltée et l’analyse que l’on en fait », continue Pierre Marigo. « On a donc commencé avec un outil qui s'est intéressé à l'écosystème autour de l'imprimante, pour changer d'échelle petit à petit et s'intéresser à l'usine complète, aux processus et interactions entre les humains et les machines. »

C’est ainsi qu’est née Line, à la mi-2023 : une solution qui repose avant tout sur du software et des algorithmes d’intelligence artificielle et qui permet selon Handddle “de garantir un respect à 100 % de la conformité des méthodes de production”. Des caméras placées à proximité des machines de production permettent de suivre et d’analyser la production. Les données récoltées par les caméras sont alors analysées par des algorithmes « capables de dire, par exemple, s’il y a bien eu une mise en production, s’il y a eu une maintenance de faite, s’il restait un déchet…»,  détaille Pierre Marigo, qui précise que le flux vidéo est aussitôt détruit et qu’il n’y a « aucune identification », balayant les craintes de surveillance des salariés.

Exploiter la puissance d’apprentissage de l’IA

Là où tâche de se distinguer Handddle, c’est avec sa vision de l’intelligence artificielle, conçue pour répondre au plus vite à des besoins spécifiques. « Nous avons axé notre R&D sur le fait de développer des algorithmes qui puissent aller le plus vite possible sur le terrain, et adresser des usages complètement différents sans accès préalable à d’immenses datasets. On essaie de répondre par la technique, de faire en sorte que notre IA reconnaisse ce que l’on veut avec 300 images au lieu de 3.000 ou 30.000, plutôt qu’en multipliant les humains et les tâches un peu rébarbatives. »

La phase d’apprentissage de Line est ainsi de seulement un mois à un mois et demi, permettant d’avoir rapidement les premiers résultats qualitatifs, quand l’algorithme va continuer d’apprendre tout au long de sa vie en phase de production.

Autre avantage majeur, celui de la personnalisation au client : « On est capable d’aller vraiment chercher le besoin du client, et pas quelque chose d’autre. Il y a beaucoup d’entreprises qui peuvent détecter 50 choses différentes, mais parfois c’est précisément la 51e que voulait savoir le client. Nous, on essaie justement d’avoir une approche ciblée. »

Le tout, sans reprendre à zéro toute la R&D : « On cherche à multiplier les briques technologiques, pour créer une « toolbox » dans laquelle piocher en fonction des besoins. Ce sont les mêmes réseaux de neurones qui vont tourner et être capables d’apprendre dans des situations distinctes. »

Une technologie ouverte à toute l’industrie

Depuis sa création, Handddle a réussi à se créer un portefeuille de clients allant des grands groupes industriels, aux PME en passant par la défense. Principalement actifs dans les domaines de l’automobile, l’aéronautique, l’aérospatial, le médical et de l’énergie, la start-up bordelaise compte parmi ses clients les groupes Alstom, Total, Vinci, ainsi que des écoles et laboratoires de recherche tels que le CNRS. Elle travaille aussi sur plusieurs projets avec l’Armée de l’Air, ouvrant « de belles perspectives avec eux sur l’année 2024 ».

Vendu à un prix de départ de 10.000 euros avec une licence annuelle de 1000 à 2000 euros par utilisateur, Handddle compte actuellement une quarantaine de modules Smartfarm installés en France et à l’étranger. Plusieurs bêta-testeurs utilisent également Line,facturé 100 euros par mois, par caméra, en plus de la location du matériel nécessaire (ordinateur, puissance de calcul, etc). « Nous visons à rendre cela le plus accessible possible, de manière à ce que le client puisse facilement rajouter des points de collecte. »

En 2023, Handddle a réalisé quelque 300.000 euros de chiffre d'affaires. « On espère faire cette année entre 300.000 et 350.000 uniquement sur la partie Line, avec en plus, une belle croissance prévue pour Smarfarm », notamment grâce aux projets en courscours avec de grands acteurs industriels. Des revenus qui permettent à l’entreprise d’une dizaine de personnes, qui bénéficient également de subventions et financements publics, de continuer sans levée de fonds.

« Je pense que l’on est arrivé au bon moment », se félicite, confiant, Pierre Marigo. « Il y a un vrai essor de l’IA, et donc forcément, pléthore d’entreprises qui vont investir ces sujets. » « Nos premiers tests ont été faits sur une machine à café, cela montre que l’on peut analyser ce que l’on veut ! L’objectif c’est donc que nous puissions aider les professionnels à améliorer leurs processus, quel que soit le domaine ou l’industrie. »

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