Greenerwave : contrôler les ondes électromagnétiques pour rendre les communications plus efficaces
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La startup parisienne de Deeptech Greenerwave a mis au point une technologie de contrôle des ondes électromagnétiques qu’elle présente sous forme de surfaces intelligentes reconfigurables, avec à la clé, des applicatifs multiples allant des satellites à l’automobile.
Le constat à partir duquel a germé l’idée de Greenwave parle forcément à tout un chacun : être assis chez soi, consulter son téléphone en WiFi ou en 5G sans aucun problème, puis changer de pièce et constater une agaçante baisse du signal. En cause : les murs et les obstacles situés dans le champ d’émission de ces ondes qui viennent les réfléchir de façon « idiote ». Alors, pourquoi ne pas rendre les environnements intelligents, capables de rediriger volontairement les ondes électromagnétiques pour rendre les communications plus efficaces ?
C’est la question que se sont posés Geoffroy Lerosey et Mathias Fink, fondateurs de Greenerwave. « Mais il se trouve que c’était un peu une idée de chercheurs, dans le sens où elle est très belle, mais qu’en terme de business model, c’est un peu plus compliqué à mettre sur le marché », raconte en plaisantant Geoffroy Lerosey, président de Greenerwave et lauréat du prix Lazare Carnot en 2023.
Pourtant, c’est précisément cette idée qui donnera naissance à la technologie développée par Geoffroy Lerosey et Mathias Fink au sein de Greenerwave, startup parisienne issue des laboratoires du CNRS, de l’Institut Langevin et de l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle : des surfaces aux propriétés électromagnétiques reconfigurables capables de contrôler les ondes électromagnétiques afin d’améliorer l’efficacité des systèmes de communication et de détection.
Réfléchir, orienter et renvoyer les ondes en temps réel
Pour comprendre comment fonctionne cette technologie, Geoffroy Lerosey fait l’analogie avec les grands télescopes. Pour obtenir une image précise d’une étoile, ceux-ci sont équipés d’un miroir déformable dont la géométrie peut être modifiée en temps réel, et ce, afin qu’ils s’adaptent aux modifications de la lumière après sa traversée dans l’atmosphère. « Ce qu'on a développé avec Greenerwave, c'est exactement la même technologie, sauf qu’on ne s'intéresse pas à contrôler la lumière mais les ondes électromagnétiques », explique Geoffroy Lerosey.
« Notre technologie se présente sous forme de surfaces, qui, au lieu de se déformer mécaniquement, se déforment électroniquement lorsqu’une onde électromagnétique se réfléchit dessus. Cela permet de réfléchir, orienter et renvoyer l’onde dans n’importe quelle direction, de manière très flexible et en temps réel ». « Cette surface, ce n’est pas un miroir » poursuit Geoffroy Lerosey, « mais un circuit électronique d’une grande simplicité hardware et qui consomme très peu. »
Ainsi, l’approche de Greenerwave se distingue par le fait de reposer sur le contrôle des ondes électromagnétiques et non pas sur celui des signaux comme c’est généralement le cas, affirme le président de la société. « Nous avons un procédé qui peut servir à faire des antennes, des radars, ou des systèmes de détection de façon générale, qui n’a jamais été utilisée par la plupart des gens », renchérit-il.
Les applicatifs envisageables pour Greenerwave sont donc multiples. Mieux contrôler les ondes peut en effet permettre aux systèmes de détection de devenir plus intelligents, en étant capable de mieux « voir » leur environnement, tout comme ils peuvent permettre à une antenne de pointer précisément sur un satellite et le suivre en temps réel.
Réduire le coût et l’empreinte des communications satellites
Les communications satellites sont précisément l’un des principaux marchés que vise Greenerwave, pour lequel sa technologie présente de nombreux avantages. « Un applicatif précis est de faire une antenne qui émet dans une direction très précise, qui est pilotable électroniquement en temps réel, et qui est à la fois de faible coût et faible consommation », explique Geoffroy Lerosey.
« Au lieu d’utiliser une technologie de circuits intégrés, avec souvent un mélange de semi-conducteurs et donc une fabrication relativement compliquée et coûteuse, nous utilisons une seule force source d’ondes. Grâce à nos surfaces reconfigurables, nous allons pointer cette source dans n’importe quelle direction, avec la même flexibilité, mais un coût bien moindre et une consommation énergétique bien inférieure. »
Une technologie qui répond particulièrement bien aux besoins des nouveaux géants des systèmes de communications satellites tels que Starlink, OneWeb, ou encore Project Kuiper. La start-up va commercialiser en fin d’année une première antenne capable de communiquer via ce type de constellations satellitaires.
Une technologie qui trouve aussi des applications dans d’autres domaines, comme celui de la défense, où Greenerwave travaille depuis 2019 avec la Direction générale de l’armement au développement d’antennes « à la fois légère et basse consommation, pouvant par exemple servir à des soldats en opération », détaille Geoffroy Lerosey. « On a évidemment aussi en ligne de mire toutes les applications en télécommunication, où il y a actuellement énormément d'antennes qui sont utilisées et qui sont assez peu efficaces en termes d'énergie », continue Geoffroy Lerosey.
Une technologie agnostique
Outre les antennes, Greenerwave est également active dans le domaine des systèmes de détection. Depuis près de quatre ans, la société travaille en collaboration avec l’équipementier automobile français Plastic Omnium pour qui ont été mis au point plusieurs prototypes de radars innovants. Nous ne sommes pas encore dans le domaine de la conduite autonome, mais pour l’heure dans celui de l’aide à la conduite : à l’instar des satellites, la technologie de Greenerwave permet de contrôler en temps réel les ondes émises par les capteurs installés sur les véhicules, afin d’augmenter leurs performances et de réduire, par exemple, les freinages d’urgence non nécessaires.
« L’idée c'est qu’en conjuguant ce type de capteurs avec notre technologie de surface qui permet de déformer les ondes, on va démultiplier les propriétés de du capteurs. On va lui permettre de balayer l'espace devant lui pour faire des images beaucoup mieux définies. On fait quelque chose qui a beaucoup plus de résolution d’imagerie, donc plus de finesse de détection », explique Geoffroy Lerosey. Greenerwave espère là encore finaliser un premier radar d’ici la fin d’année 2024, pour une mise sur le marché, après homologations, d’ici 2027.
Enfin, la société est aussi active dans le domaine de la détection RFID (radio-identification), garde son avancée dans le domaine de la recherche sur les environnements intelligents (« le Hot Topic actuel dans les télécommunications », selon Geoffroy Lerosey), et cherche également à développer des systèmes de surveillance ou de monitoring, basé sur le contrôle des ondes électromagnétiques et capable de supplanter la vidéosurveillance.
« L’avantage c’est que notre technologie est indépendante de l’applicatif. Avec notre surface, nous allons pouvoir développer une antenne qui va piloter des ondes pour une application satellite tout comme pour des applications télécoms, même si ce n’est pas le même protocole ni le même standard. Au final, quelle que soit l’application, c’est la même technologie, le même concept, le même développement. »
Des ambitions à la hauteur des challenges du marché
Depuis 2019, Greenerwave est passé d’un seul collaborateur à 80, et entend en recruter 40 autres d’ici fin la fin de l’année ; un challenge de taille lorsque les profils recherchés le sont aussi par des groupes tels que Thales, Safran ou Honeywell. Mais la start-up mise sur sa dynamique d’entreprise et la vision de son projet pour séduire les nouveaux talents.
En 2022, Greenerwave a réalisé plus de trois millions de chiffre d’affaires en contrats, avec des clients et prospects français, japonais, américains, ou encore coréens. « Jusqu’à maintenant, nous avons réussi à nous financer avec un blend assez intéressant de projets industriels qui nous permettent d’avoir des fonds propres, pour pouvoir ensuite obtenir des subventions », décrit Geoffroy Lerosey. Un financement auquel s’ajoute une levée de fonds 15 millions d’euros réalisée en décembre 2023.
Car en effet, la start-up située dans le Sentier à Paris, ne manque ni d’ambitions ni de projets pour les années à venir. Rien que dans le domaine des communications satellites, les promesses sont de taille : « Chaque antenne que l’on va vendre, c’est plusieurs milliers d’euros ; les besoins, eux, ce sont plusieurs centaines de milliers d’antennes. Donc on espère bien prendre notre part du marché d’ici les deux, trois années à venir », assure Geoffroy Lerosey.
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