Biosency met l’IA au poignet des patients insuffisants cardio-respiratoires
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La lutte contre le tabagisme ne date pas d’hier : conduite par l’inventeur de l'épidémiologie moderne, l’anglais Sir Richard Doll, la première étude sur la relation entre tabagisme et mortalité remonte à 1948. Plus d’un demi-siècle après, le constat est toujours le même : le fait de fumer accroît indubitablement la probabilité de contracter une maladie et d’en mourir. Sur ce point, l’OMS rappelle quelques statistiques frappantes : le tabac tue jusqu’à la moitié de ceux qui en consomment. Sur les 8 millions de morts causés par cette substance chaque année, plus de 7 millions sont des consommateurs ou d’anciens consommateurs, et environ 1,2 million des non-fumeurs involontairement exposés à la fumée. Parmi les maladies auxquelles la consommation de tabac expose, il y a la BPCO, ou bronchopneumopathie chronique obstructive.
C’est contre cette pathologie extrêmement répandue qu’a décidé de lutter la startup Biosency. Eclairage de son co-fondateur, Yann Le Guillou.
Un trou dans la raquette du suivi médical
On a souvent l’impression qu’il faut être expert de son domaine pour entreprendre. L’exemple de Biosency semble attester le contraire. Après des études d’ingénieur à CentraleSupélec et un doctorat en micro-électronique, Yann Le Guillou renforce son parcours par un executive MBA à Rennes. C’est là qu’il rencontre sa future associée et co-fondatrice de Biosency : Marie Pirotais.
A l’été 2016, le frère jumeau de Yann, pneumologue, le contacte pour lui faire part d’une observation : il n’existe pas d’objet connecté qui permette de suivre les patients souffrant d’insuffisances cardio-respiratoires (comme dans le cas de la pathologie BPCO évoquée en introduction) à leur domicile. D’abord dubitatif, Yann Le Guillou répond à son frère que cette situation est étonnante et qu’une telle solution doit bien exister quelque part. Intrigué, le futur co-fondateur de Biosency se met alors à explorer lui-même le secteur mais ne trouve rien non plus, ni dans les projets de startups existantes, ni dans les brevets déposés. En creusant plus, il réalise la nécessité pour les médecins d’avoir à leur disposition un dispositif pour suivre les patients BPCO, et en parallèle de leur difficulté à trouver le temps à y consacrer et la nécessité d’un financement pour la télésurveillance.
En janvier 2017, le dispositif ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l’Amélioration des Parcours en Santé) encourage et soutient financièrement le déploiement de projets de télésurveillance sur l’ensemble du territoire et en particulier les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique.
C’est alors que Yann et Marie décident de s’attaquer au suivi des insuffisances cardio-respiratoires, qui touchent selon leurs premières estimations de nombreux patients, en France comme dans le monde. En particulier, la pathologie BPCO qui représente la troisième cause de mortalité à travers le monde et touche 385 millions de patients. Caractérisée par une perte progressive et irréversible de la fonction pulmonaire, la BPCO est une pathologie chronique, obstructive des bronches, qui concerne à 80% des anciens fumeurs - les 20% restants sont dus à des facteurs irritants des bronches. Le problème de cette pathologie est qu’elle provoque chez les patients des crises aigües et aux conséquences durables : les exacerbations.
L’objectif de Biosency : prédire les exacerbations
Lorsqu’une exacerbation, ou décompensation pulmonaire, se déclenche, il faut conduire le patient à l’hôpital en urgence, ce qui engendre des coûts importants pour la société. On estime que 2/3 des coûts liés à la BPCO sont dus aux exacerbations. Rien qu’en France, la pathologie représente 3,5 milliards d’euros de coûts chaque année. Pire, les conséquences pour le patient sont dramatiques : 21% des patients décèdent dans l’année qui a suivi l’exacerbation. En effet, à chaque crise sévère, on franchit un palier dans la pathologie - de la même façon que dans le cas d’un infarctus. “C’est une maladie insidieuse, qui s’installe progressivement, et à cause de laquelle le patient a de moins en moins de souffle”, déplore Yann Le Guillou. Que faire face à ce problème de taille ?
En prenant en charge les patients au plus tôt et avant la crise, cela permet de diminuer l’impact sur la santé du patient, d’améliorer sa qualité de vie et de diminuer les hospitalisations. Mais comment le savoir ? Puisqu’il n’existe aucun dispositif médical permettant d’obtenir les signes vitaux du patient en continu au domicile sur le marché, les deux entrepreneurs se donnent alors pour mission d’imaginer un dispositif permettant de mesurer la fréquence respiratoire, le taux de saturation en oxygène dans le sang ainsi que la fréquence cardiaque. Ces données sont complétées des données cliniques du patient ainsi que des données satellitaires de qualité de l’air. Grace à la compilation de ces données, ils identifient les tendances sur les biomarqueurs. « La dégradation de ces signes vitaux est le signe annonciateur d’une exacerbation en cours ou d’une dégradation de l’état du patient”, explique le co-fondateur de Biosency.
Pour ce qui est du développement du dispositif et de son industrialisation, Biosency s’associe en 2017 au CEA (Centre d’Energie Atomique) et met au point une solution de télésurveillance, Bora Care, constituée d’un bracelet connecté (Bora Band) couplé à une plateforme (Bora Connect). Commercialisée dès avril 2020, la solution fonctionne comme suit : le bracelet est posé sur le patient, les données remontent automatiquement et de manière très fréquente via un lien Bluetooth sécurisé grâce à une box installée à son domicile, et qui fait office de relais vers la plateforme BORA Connect. Un algorithme analyse ensuite les tendances et les dérives, qui sont en général sur plusieurs jours.
A quels challenges techniques Biosency s’est-elle heurtée pour mettre au point cette solution ?
Offrir aux patients un confort de vie tout en assurant la qualité des données remontées
A ce jour, 700 patients ont pu être suivis au moyen du dispositif de Biosency. Pour en arriver là, il a fallu relever des défis techniques importants : “Pour mesurer les paramètres relevés par Biosency, on a envie de mettre notre dispositif partout sauf au poignet !”, s’amuse Yann Le Guillou. En effet, les informations relevées par le bracelet Bora Band sont sans cesse “polluées” par les mouvements du patient, et seraient plus facilement mesurables à d’autres endroits du corps. Mais l’ergonomie et l’usage pour le patient ont été les points déterminant dans les choix technologiques et Biosency. C’est grâce à l’intelligence de l’algorithme développé par les équipes de Biosency, qui choisit quand remonter les données, en privilégiant les moments où le patient est au repos, et au traitement du signal très pointu que Biosency obtient un nombre de mesures important sur les signes vitaux.
“Même au repos, la qualité du signal au poignet avant traitement est très mauvaise”, confie le co-fondateur de l’entreprise. Biosency a dû mettre au point des algorithmes extrêmement performants pour maintenir le port au poignet. Les autres solutions semblaient trop contraignantes, comme le t-shirt ou le patch - une solution jugée “trop invasive, avec beaucoup de consommables ”. Au contraire, le bracelet Bora Band peut être réutilisé par un autre patient une fois le suivi terminé. Contrairement à certains de ses concurrents, le bracelet se recharge en moyenne tous les cinq jours, en fonction de la fréquence des données remontées. D’après son co-fondateur, parmi les indicateurs mesurés, le facteur le plus différenciant par rapport aux concurrents américains, anglais et israéliens, c’est la capacité de Biosency à fournir des données précises de fréquence et d’amplitude respiratoires.
Autre défi important : la solution dans son ensemble, c’est-à-dire pas simplement le bracelet mais aussi la plateforme, est certifiée CE dispositif médical de classe IIa. Dans quelques mois, le dispositif de télésurveillance Bora Care, lorsque prescrit par un médecin, pourra s’inscrire dans le forfait de télésurveillance et faire l’objet d’un remboursement par l’Assurance Maladie. Une belle victoire pour les équipes de Biosency, qui, en plus d’avoir travaillé d’arrache-pied, ont bien anticipé le délai nécessaire (entre 12 et 18 mois) pour valider la plateforme par un organisme certifié.
Côté financements, une levée de fonds est actuellement en cours, auprès de VC et d’industriels, pour permettre à Biosency d’accélérer encore ses développements et sa croissance. Sur la partie clinique, l’entreprise travaille à la validation des algorithmes prédictifs pour la BPCO et étudie d’ores et déjà la possibilité d’adresser d’autres pathologies. Sur le plan de l’extension internationale, la prochaine géographie visée par Biosency est l’Europe et l’Amérique du Nord, une fois que le dispositif aura été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA). Let’s go guys !
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